Provence

Cela faisait déjà longtemps que sa fille était parti en voyage de noce, et cela faisait trop longtemps que le vieux avait reporté le moment de lui écrire une lettre. Il c'était retrouvé depuis peu de temps ... Et elle était partie si vite ... Qu'il n'avait pas eu le temps d'assimiler qu'il avait de nouveau un fille. Mais au moins, en lui écrivant maintenant, il aurait beaucoup de chose à lui dire.

Citation :

Ma petite Jehanne,

Les mois passent, et tu n'est pas encore de retour, cela veut surement dire que ton voyage se passe bien, comme dit le dicton, pas de nouvelles, bonnes nouvelles. Mais je vais dérogé à ce dicton, et te donner des nouvelles, de bonnes nouvelles. Enfin ... J’espère que tu les prendra toutes comme des bonnes nouvelles.

J'ai avant tout une nouvelle très importante. Je vais me remarier. En effet, après ces longues années à pleurer ta disparition et la mort de ta mère ... T'avoir vue, avoir vu que tu avais grandi, que tu était maintenant une femme, m'a montré que la vie avait continué durant tout ce temps, qu'elle ne s'était pas arrêter ... ne m'avait pas attendue pour reprendre son flux continu. Et de voir cela m'a fait prendre conscience que vu mon âge ... Soit je reprenais ma vie en main maintenant ... Soit cela ne servait plus à rien de vivre encore ...

Vivre sans ta mère aura été une torture pendant de longue année ... Et même maintenant elle restera la première femme que j'ai réellement aimée ... Mais il faut que j'avance, il faut que ma vie reprenne un sens, une direction. Et j'essaye, tant bien que mal, à ce que ce sens soit celui du bonheur.

J’espère que tu ne prend pas mal cette nouvelle ... que tu ne m'en voudras pas de remplacer ta mère ... d'ailleurs, je ne la remplace pas ...

D'ailleurs, j'écris, j'écris, et j'en oublie de dire celle que je vais épousé. Il s'agit de Pillon, la fille de Gabcha de Cianfarano, je ne sais si tu la connais, elle m'a dit te connaitre.

Nous n'avons pas fixé de date pour le mariage ... Il faut déjà que je finisse ma pastorale ... Mais je ne presse pas, être obligé de prouver ma foi en le Très-Haut me dérange un peu car je la sais puissante ... Surtout à un diacre qui doit avoir une douzaine de printemps de moins que moi ... Mais enfin ... Je n'ai pas le choix...

Dés que nous en aurons fixé une, je t'enverrais une nouvelle lettre, répondant je l’espère, à celle que tu m'enverras pour me donner de tes nouvelles. Je l'attend avec impatience ... Et j’espère que tu seras de retour pour le mariage ... Il me plairait de me marier à tes cotés, tout comme tu t'es marié au miens.

Les autres nouvelles sont en fait assez peu importante comparé à celle ci ... Ce n'est que des nouveaux postes ... De nouvelle responsabilité ... Un peu plus de travail chaque jour, mais je ne me plains pas, je ne le refuse pas.

J'attend de tes nouvelles.

Je t'aime,

Ton tendre père.

Il s'arrêta quelque instants, puis la relue deux fois, l'accrocha à la patte d'un pigeon, et lâcha le pigeon par la fenêtre.

À peine était-elle partie qu'une grognasse lui avait mis le grappin dessus... Se faisait-il si sénile qu'il n'avait su résister ? Ou alors, de la savoir en vie, il ne se morfondait plus et pouvait aller de l'avant...
Sans doute celle-ci voudrait des enfants... Il l'oublierait vite, sa fille si récemment retrouvée. Sitôt retrouvée, sitôt oubliée !
Enfin, elle n'avait pas le droit de lui écrire cela.

Citation :

Mon cher père,

Je me réjouis de tout mon coeur que vous ayez trouvé une âme à votre convenance, j'espère qu'elle sera pour vous aussi bonne que ma mère le fut et que vos futurs descendants vous feront moins souffrir que ne le fit mon absence.
Je rentre en Provence sous peu, invitez-là en Orange, nous ferons connaissance.
J'ai hâte.

Tendres baisers, Père, vous me manquez. Ainsi qu'à votre petit fils.

Elle avait beau être la reine du faux semblant, elle n'arrivait guère avec son père. Mieux valait l'omission que de devenir désagréable, et son courrier était sur la mauvaise pente.

Une partie d'elle se réjouissait pourtant pour ce mariage à venir. Mais bien petite, la partie. Trop petite. Jehanne avait retrouvé son père. Son père à elle toute seule, comme elle disait, enfant. Il lui fallait, elle aussi, aller de l'avant.

Un sourire ? Pas encore... Mais ça viendrait !

En lisant la lettre, un sourire, jusqu'au oreille naquit sur le visage du vieux, rajoutant quelques ride à celle déjà présente.

Elle acceptait son mariage, et en plus avait l'air d'attendre qu'il fasse des enfants ... Il avait vraiment une fille extraordinaire ... Nombre de fille se serait sans doute senti remplacé ou en aurait peur tout du moins. Non ,elle était enchanté par son mariage.

La lettre enleva un poids considérable sur son vieux coeur. Il pensait devoir batailler pour faire accepter son choix. Et finalement non.

Il prit sa plume. Son encrier. Et un vélin. Et se mit à écrire.

Citation :

Ma très chère fille,

Votre lettre me réchauffe le coeur, me savoir soutenu par ma fille me conforte dans mon choix, si vous aussi vous trouvez que c'est une bonne chose que je me remarie, alors ça l'est forcement.

J'avoue avoir douté un instant, en vous envoyant cette lettre. Je me suis pris à penser que peut être, vous auriez pu penser que vous alliez être remplacé. Que mon coeur ne serait plus à vous. Que je vous aimerait moins. Et maintenant, en lisant votre lettre, je m'en veux de vous avoir prêté de si mauvaise intention. J'irais me confesser pour ne pas avoir pas eu confiance en votre bonté naturelle.

Quant à votre mère, ce n'est pas comparable, elle reste, et restera, mon premier véritable amour. La première fois de nombre de chose. Le premier enfant. Et d'autres premières fois que je ne vous conterais pas, de peur de salir vos chaste yeux.

Vous savoir bientôt de retour me fait très plaisir, et c'est aussi avec joie que nous viendrons passé quelques jours à Orange, profité de votre domaine.

Je découvrirais votre charmant mari, et vous ma fiancée.

Je vous aime

Votre père.

Il avait écrit toute la lettre en souriant, et ne s'arrêtait pas, il l'accrocha à la patte du pigeon -non, pas à la sienne, le vrai pigeon- et le jeta par la fenêtre. Il poussa un léger soupire, en regardant le pigeon s'envoler, bien heureux de ne pas être obligé de se battre avec sa fille.

Il avait vraiment une fille en or, il en était convaincu.